« Bloguer, ça sert à rien ».

Il y a quelques jours, un lecteur anonyme a cru bon de me signifier tout le mal qu’il pensait de mon blog, et de l’inutilité qu’il y avait à empiler des centaines et des centaines d’articles en pure perte. Lancer dans le vide ces kilomètres de lignes de texte dont on n’est même pas sûr qu’elles soient lues lui apparaissait totalement inefficace et sans intérêt. Et comme l’époque est au cynisme et à la raillerie facile il ne ‘en est pas privé.  Il a le droit de le penser, comme j’ai le droit quant à moi de penser tout autre chose. Depuis que ce blog existe, c’est à dire depuis près de 8 ans., je m’astreins à une discipline de fer pour écrire au moins un billet par jour, et plus idéalement 3 selon les les périodes et la disponibilité que me laissent mes occupations personnelles. Depuis que je suis sans emploi, cette passion personnelle m’aide de surcroit à me sentir utile, m’oblige à un minimum de discipline, à garder le rythme, et parfait mes compétences rédactionnelles. Cela m’a donné également le souci et le goût de l’argumentation, ce qui me sera profitable pour tout un tas d’autres activités, et notamment professionnelles. Ma connaissance de certains sujets devient en outre de plus en plus pointue, ce qui n’est pas anodin. Sur mes deux registres de prédilection, la politique et les droits humains, mes capacités d’analyse s’affinent, se complexifient, se nuancent. Mon regard critique sur les médias s’est considérablement approfondi. Ma perception du monde, du jeu de ses acteurs, et mon appréhension du paysage sociétal se sont accrus. Mais bien sûr, mon lecteur malveillant a raison, tout cela ne sert à rien : ça n’a aucune prise sur le monde, et ne me rapporte rien. Ce travail si personnel et intérieur de produit que des richesses personnelles inquantifiables, qui échappent à la logique marchande devenue seul maître étalon de ce monde.  Il n’y a là qu’un travail intérieur qui agit sur mes petites aspérités personnelles. Le goût de l’effort, la curiosité et la stimulation intellectuelle, la patience, la maturation de mes silences pour en extraire des fruits plus mûrs et juteux que n’en auraient produit des réactions plus spontanées, tout cela en effet pour un regard extérieur purement matérialiste ne sert franchement à rien. Sauf à grandir, à mûrir, évoluer, et à ne pas se contenter des opinions de bistrot, de la pensée pré-mâchée et pré-digérée ainsi que des information qu’on nous sert sur un plateau de télé, de radio, ou dans des journaux de moins en moins bien écrits qui de surcroît respectent si peu leurs lecteurs, et l’orthographe. Et tout cela, la production la moins visible de cette activité si ingrate qu’est le fait de bloguer, elle est purement et extraordinairement intérieure. Il m’est donc surprenant de me voire dire ou écrire par des gens qui n’en font pas même l’effort, celui de se remettre en question chaque jour et de s’exposer ainsi publiquement, et donc oser commettre des erreurs (comme disait ma grand mère, quand on ne fait rien, on ne risque rien…) que ce que j’écris, c’est au mieux du vide, au pire de la merde. Ces lâches qui se sentent si forts derrière la protection illusoire de leur clavier ne devraient attirer que ma profonde indifférence. Mais je n’ai vraiment pas de bol : il me reste encore une dose personnelle de sensibilité. Que j’entends bien garder. Alors, face à la malveillance gratuite de certains, juste les effacer, les jeter à la corbeille, ou les  balancer dans la catégorie des indésirables. Apprendre, enfin, à se protéger de la bêtise crasse d’une minorité sans intérêt, qui aura beau jeu ensuite de me qualifier de censeur alors qu’elle aura entamé ce qui aurait du être un dialogue par de l’agressivité, du mépris, ou des insultes. Cela aussi, bloguer me l’aura appris : gérer sans état d’âme la bêtise humaine. Et cela aussi, dans la vie, ça peut servir.

24 réflexions sur “« Bloguer, ça sert à rien ».

  1. Bjr
    A ne pas oublier que ces km de ligne serve aussi a d’autre a ce forger une idée, a ce constrir,et, a crée certe virtuel des liens.
    Je te remerci personnelement de ce travail.
    Courrage et ne lache rien devant l’imbécilité d’une minorité d’individu.
    Hugues

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  2. fait un tour sur le blog des pas perdus, magnifique, mis en marque page comme le tien sous « information ». merci pour ton boulot de décryptage solitaire, au fil de la dégueulasserie du monde.

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  3. Bloguer c’est résister, refuser la pensée unique et participer à la diffusion de la critique sociale (chère disparue des plateaux merdiatiques). Ça sert plus que jamais à contrecarrer l’utilitarisme qu’on veut nous faire gober… Le troll est perfide et lourd mais le blogueur est plus fort car à travers ses lignes il construit des barricades talentueuses, et c’est pas rien.

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  4. ça sert à débattre, et justement en ce moment, il y a des prises de consciences qui s’opèrent, des Convergences de Luttes en train de se rendre compte que beaucoup de problèmes sociaux et humains sont liés. Je te lis toujours avec plaisir. merci

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  5. Manifester ne sert à rien, pétitionner non plus, y a plus qu’à se coucher dans le fossé et attendre la mort?
    Ben non : toute occasion de faire chier le bourgeois, même juste à la marge, est bonne à prendre!

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  6. Bravo,belle réaction,sagesse,intelligence,sens critique,que peuvent-ils comprendre?
    A lire tous les jours,à y réfléchir,à se forger une opinion,laisser parler son humanité,
    ils sont à des milliers d’années lumières de nos galaxies.
    Plaignons-les plutot .Leurs yeux sont clos,leurs coeurs secs,leurs cerveaux déneuronunisés.
    Continuez!!

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  7. Ben alors, mon ‘tit pépère, on a un coup d’mou ?

    Je me sens – un peu – visé alors que je ne dois pas être le seul à ne pas systématiquement te porter aux nues à chacun de tes « articles ».

    Bon, tu éprouvais le besoin de parler … de toi (c’est la base de toute psychothérapie) et surtout de lire les messages de réconfort de certain(e)s de tes abonné(e)s, es-tu rassuré ?

    Çà va mieux mon Bichounet ?

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  8. @E.Rostand : je me demande vraiment à quoi me sert de répondre à un troll si médiocre qu’il se prend si ostensiblement pour le nombril du monde, alors qu’il est n’est qu’un déchet sur la surface de l’océan de mon indifférence. Si ‘javais besoin d’un psi, je le paierais, il serait ainsi plus compétent et m’épargnerait sa psychologie de comptoir.

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  9. « De ma vie, je n’aurai jamais rien su faire de particulièrement remarquable pour la gagner, ni pour la perdre. Voici un témoignage partiel du genre d’activité qui a absorbé la plupart de mon temps. Qu’il n’y ait pas lieu d’en être exagérément fier, on n’aura pas besoin de me le dire. Nul doute qu’il y ait eu infiniment mieux à faire. »
    (…)
    «Le commissaire de police me demanda si je pouvais reconnaître le cadavre. je l’apercevais par l’entrebâillement de la porte. La blessure était vraiment impressionnante. A partir de la pomme d’Adam jusqu’au dessous du nombril, il était ouvert – comme un livre.»
    Pierre Reverdy – Plupart du temps (1945)
    https://schabrieres.wordpress.com/2010/02/07/pierre-reverdy-priere-dinserer-1945/

    «Bon, comparons
    Vos mots aux miens, nous construirons aprés toutes les Rome.»
    Makoto Ôoka – Mots, mots, (1986)

    S’astreindre au travail de l’écriture est faire «Oeuvre de salut public» recommandait Francis Ponge . Alain Jouffroy l’écrivait aussi à propos des poètes, mais tous ceux qui luttent «feraient bien de rattraper leur immense retard sur la vitesse grandissante de la confusion partout entretenue par les moyens audiovisuels de transmission, qui jouent, simultanément, le rôle de faussaires et celui de fossoyeurs du réel.» (1994)

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  10. @Des pas perdus : mais tu as raison, j’oubliais l’essentiel : débattre… Mais tu avoueras qu’en ce moment sur les réseaux sociaux, il devient plus facile d’agresser et d’insulter oud e prêter des intentions malveillantes que d’échanger des idées, même contradictoires, de manière respectueuse, hélas… Au point que j’ai songé il y a quelques mois à fermer purement et simplement les commentaires, tant cela m’insupportait. J’ai autre chose à faire que de répondre à de grands malades qui relèvent davantage de la psychiatrie que d’une dialogue apaisé entre gens responsables et cohérents.

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  11. Bon jour,
    Excellent article comme un droit de réponse 🙂
    La bêtise humaine est un océan, mais à la différence il est nuisible et comme tout nuisible il faut faire acte de résistance. 🙂
    Max-Louis

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  12. Oui, il faut continuer.
    Ca semble te faire du bien et ça donne une base de travail au psychosociologues.

    Et puis, c’est distrayant de découvrir les délires de tel ou telle qui a besoin de crier, sur la toile ou dans une émission de téléréalité, son besoin de reconnaissance.

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